Cinq ans après la mort de George Floyd, tué par un policier à Minneapolis le 25 mai 2020, le New York Times révèle que les homicides commis par la police ne cessent d'augmenter aux États-Unis.
L'image avait fait le tour du monde. Le 25 mai 2020, George Floyd mourait d'asphyxie sous le genou du policier Derek Chauvin après l'avoir supplié de relâcher la pression : « I can't breathe ». Ces derniers mots, filmés par des passants, avaient provoqué une onde de choc aux États-Unis et à l'international.
Ils avaient aussi donné un nouvel élan au mouvement Black Lives Matter, né sept ans plus tôt pour lutter contre le racisme systémique dont est victime la communauté noire. Des millions de manifestants avaient investi les rues pour réclamer la fin des violences policières et une immense fresque à l'effigie du père de famille avait été peinte sur une artère de Washington.
Cinq ans plus tard, rien n'a changé. La situation a même empiré : un article du New York Times basé sur des données compilées par le Washington Post et le projet Mapping Police Violence montre que les homicides commis par des policiers sont en constante augmentation. En 2024, 1226 personnes ont ainsi été tuées par la police aux États-Unis, soit une hausse de 18% par rapport à l'année précédant la mort de George Floyd.
Sans surprise, les personnes de couleur demeurent surreprésentées parmi les victimes. Le quotidien new-yorkais pointe qu'une large majorité d'entre elles ont été abattues au cours de fusillades avec les forces de l'ordre et que la plupart étaient armées. Mais d'autres sont mortes étouffées.
Un projet avorté
Lors de sa campagne pour la Maison Blanche, Joe Biden avait pourtant promis de s'attaquer aux violences commises par la police en réformant l'institution. Le texte, baptisé « George Floyd Justice in Policing Act », prévoyait notamment l'interdiction des prises d'étranglement, l'obligation de porter des caméras-piétons et la création d'un registre national des policiers accusés de brutalité. Surtout, il entendait limiter le principe d'« immunité qualifiée », empêchant toute poursuite contre les auteurs de bavure.
La loi n'est restée qu'à l'état de projet. Adoptée par la Chambre des représentants à majorité démocrate, elle a été retoquée par le Sénat dominé par les républicains. En mai 2022, Joe Biden a donc dû se résoudre à signer un décret encadrant le travail des forces de l'ordre, mais dont la portée était bien moindre que la loi initialement prévue. A fortiori dans un pays où coexistent des milliers d'entités policières répondant chacune à leurs propres règles.
C'est finalement au niveau local que la législation a le plus évolué. En seulement deux ans, près de 300 projets de loi ont été adoptés par les États, selon un décompte du Howard Center for Investigative Journalism effectué en octobre 2022. La plupart concernaient le contrôle et la formation des agents, ou les politiques de recours à la force. À elle seule, la Californie a approuvé une vingtaine de mesures, dont l'interdiction des prises d'étranglement, tandis que l'Utah, l'Oregon ou l'Arizona ont adopté chacun plus de dix réformes, prévoyant notamment l'obligation pour les policiers de signaler tout usage excessif de la force par un collègue.
Si ces dispositions ont contribué à une stagnation des homicides commis par la police dans les États les plus libéraux, le New York Times relève que ceux-ci ont en revanche explosé dans les États conservateurs. « La réaction négative au mouvement de réforme de la police dans les États conservateurs y a peut-être renforcé le pouvoir de la police », avancent les auteurs de l'article. La défiance croissante des citoyens américains à l'égard de l'institution et l'augmentation du nombre d'armes en circulation sont d'autres hypothèses évoquées pour expliquer cette hausse des homicides.
La nécessité d'une profonde refondation
« Rien ne changera tant que la police américaine conservera son approche répressive du maintien de l'ordre », évacue James Nolan, docteur en sociologie et en anthropologie à l'université de Virginie occidentale. Pour ce spécialiste de l'institution, passé par ses rangs et ceux du FBI, seule une réforme de la doctrine policière en vigueur permettrait de mettre fin à ces violences. « Le système policier américain se base sur l'application de la loi comme seul moyen de lutter contre le crime. Ses résultats sont mesurés par rapport au nombre d'arrestations effectuées ou de mandats de perquisition exécutés », constate-t-il auprès de RFI.
Cette approche, explique encore James Nolan, entraîne une méfiance mutuelle entre les habitants et la police, qui apparaît davantage comme un adversaire que comme un partenaire. En retour, les policiers développent une hypervigilance qui leur fait voir le monde comme un danger permanent. « Il faut changer d'approche, insiste James Nolan. La police devrait travailler au niveau local avec les citoyens plutôt que de se borner à s'inscrire dans une démarche répressive. Si elle agit en tant que partenaire, je pense que la vie sera plus sûre, à la fois pour les agents et les habitants. » Selon le chercheur, une telle démarche doit obligatoirement être initiée par le gouvernement fédéral.
Or celui-ci n'en prend pas le chemin. Mercredi 21 mai, le ministère de la Justice a annoncé l'abandon des poursuites judiciaires lancées par l'administration Biden contre les polices de Minneapolis et de Louisville, après les violences commises en 2020. Le ministère a également fait part de son intention de revenir sur les conclusions d'usage excessif de la force concernant les polices de cinq autres villes, dont Phoenix et Memphis, ainsi que de l'État de Louisiane.
L’avocat Ben Crump, en pointe dans les affaires de violences contre les minorités, a dénoncé dans un communiqué « une gifle pour les familles de George Floyd, Breonna Taylor et Tyre Nichols et pour toute communauté ayant subi le traumatisme de la violence policière et les fausses promesses d’obtenir justice ».
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