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En difficulté au Sénégal, Macky tisse sa toile pour le poste de secrétaire général de l'ONU

S'il n'est pas encore officiellement candidat, l'ancien président sénégalais veut croire en ses chances de succéder à António Guterres. Une ambition qui n'est pas sans se heurter à certains obstacles.



En difficulté au Sénégal, Macky  tisse sa toile pour le poste de secrétaire général de l'ONU
Le sujet, sensible, a été abordé lors de la très discrète rencontre entre Emmanuel Macron et Macky Sall, à l'Élysée, le 27 mars (AI du 02/04/25). Si les échanges lors de ce tête-à-tête ont essentiellement tourné autour de la situation dans la région, l'avenir de l'ancien chef de l'État sénégalais a également été évoqué. Jeune retraité de 63 ans, Macky Sall convoite, de longue date, le poste de secrétaire général des Nations unies (ONU), dont le titulaire actuel, le Portugais António Guterres, doit quitter ses fonctions en décembre 2026.

Sans parler directement de ce poste, Emmanuel Macron, avait, dès 2023, discuté des "très belles perspectives de reconversion" dans les organisations internationales qui s'offraient à Macky Sall. Le sujet avait, à l'époque, fait partie d'un éventail d'arguments avancés afin de convaincre le Sénégalais de renoncer à briguer un troisième mandat. Outre le président français, ce plaidoyer avait été déployé auprès de l'intéressé par l'ex-président des États-Unis Barack Obama (AI du 12/05/23) ou encore par l'ancien président du Conseil européen, Charles Michel.

Si cette perspective s'est depuis quelque peu estompée dans la tête de ces interlocuteurs occidentaux, Macky Sall continue de croire en ses chances. L'accession au siège de secrétaire général de l'ONU nécessite néanmoins l'absence de veto des cinq pays membres du Conseil de sécurité. Outre la France, Macky Sall tente donc depuis plusieurs semaines de se rapprocher de l'administration de Donald Trump, et travaille parallèlement ses réseaux en Chine, où il envisage de se rendre dans les prochains mois.

Il a ainsi récemment échangé avec Lu Shaye, ancien ambassadeur de Pékin à Paris, souvent présenté comme l'un des porte-étendards de la "diplomatie du loup combattant", encourageant les officiels chinois à adopter une posture décomplexée vis-à-vis de l'Occident. Désormais représentant spécial de la Chine en Europe depuis février, ce diplomate a précédemment servi comme ambassadeur au Sénégal entre 2006 et 2009, lorsque l'ancien président occupait la fonction de premier ministre.

*Nouvelle donne*

Dans le même temps, Macky Sall multiplie depuis un an les déplacements internationaux en Europe ou aux États-Unis. Il a aussi été reçu en Arabie saoudite, en mars, par le prince héritier Mohammed bin Salman (MbS) et en Afrique du Sud, où il a rencontré le président Cyril Ramaphosa.

Le scénario d'une candidature de Macky Sall au poste de secrétaire général de l'ONU se heurte néanmoins à plusieurs obstacles de taille. Le plus important concerne ses relations extrêmement tendues avec ses successeurs à la tête du gouvernement de son pays. Plusieurs voix, dans l'entourage du président Bassirou Diomaye Faye et de son premier ministre Ousmane Sonko, ont ainsi appelé à ce que Macky Sall, qu'ils accusent d'avoir ordonné la falsification de données économiques transmises au Fonds monétaire international (FMI, AI du 15/01/25), soit traduit en justice. De même, cinq ministres qui ont servi sous son mandat, dont son beau-frère Mansour Faye, ont été renvoyés devant une cour spéciale début mai pour des malversations supposées.

Or le soutien du pays d'appartenance est une condition essentielle pour concourir à une telle fonction internationale. Ses relations dégradées avec la nouvelle administration fragilisent particulièrement sa candidature aux yeux de plusieurs capitales occidentales pourtant initialement séduites par son profil.

*Précédent éthiopien*

Un obstacle que le premier cercle de Macky Sall essaie de relativiser, mettant en avant l'exemple de l'actuel directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'Éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus. Après son premier mandat, entre 2017 et 2022, ce dernier a été reconduit pour un second, et ce malgré l'opposition d'Addis-Abeba. En coulisse, certains fidèles n'excluent pas non plus qu'un accord puisse être trouvé entre leur meneur et le tandem Faye-Sonko. Le binôme pourrait ainsi ne pas s'opposer aux prétentions onusiennes de leur prédécesseur en échange de son engagement à renoncer à se mêler des affaires intérieures du Sénégal.

Un compromis souhaité par une poignée de chefs d'État africains, à l'instar de l'Ivoirien Alassane Ouattara. Depuis plusieurs semaines, celui-ci, très proche de Macky Sall – avec qui il a encore déjeuné début avril, à Mougins, dans le sud-est de la France –, réfléchit à plaider la cause de son ami auprès de Bassirou Diomaye Faye.

L'opération viserait à desserrer l'étau autour de l'ancien président sénégalais en échange d'un soutien à Dakar dans plusieurs dossiers régionaux. Si Macky Sall venait à obtenir l'encore très hypothétique soutien de son pays à sa candidature pour le poste qu'il convoite, le scénario serait regardé avec beaucoup plus de sérieux par ses interlocuteurs.

Car si Macky Sall n'est pas retourné au Sénégal depuis la fin de sa présidence, il demeure toujours très impliqué dans la gestion de l'Alliance pour la République (APR), son propre parti, dont il a mené la liste, sans grand succès, lors des élections législatives de novembre 2024. Sur demande de l'Élysée, cette décision de retourner dans l'arène politique sénégalaise après son départ du pouvoir l'avait contraint de démissionner de son poste d'envoyé spécial du Pacte de Paris pour les peuples et la planète (4P). Une décision qui avait d'ailleurs fait suite au mécontentement du gouvernement Sonko manifesté auprès de Paris de voir Macky Sall cumuler la casquette d'opposant politique avec celle de haut fonctionnaire international.

*Usages dépassés*

Au-delà de la question du soutien de Dakar, les desseins de Macky Sall rencontrent aussi une autre difficulté. Le siège de secrétaire général doit théoriquement revenir à une personnalité sud-américaine, conformément à la pratique informelle de rotation géographique, traditionnellement observée par l'institution onusienne. Mais ses proches, qui veulent croire en ses chances, avancent qu'en 2016, déjà, une entorse à cette règle avait été faite avec la nomination d'António Guterres. Plusieurs nations estimaient que le poste aurait dû revenir à un candidat d'Europe de l'Est. Plusieurs postulants sud-américains se sont néanmoins déjà positionnés.

À Marrakech, où il réside lorsqu'il n'est pas en déplacement, Macky Sall continue de polir, avec l'aide d'une poignée de soutiens, un argumentaire visant à défendre son bilan. L'ancien chef de l'État s'appuie sur Hamidou Anne, un spécialiste de la communication passé, en France, par la Sorbonne et par l'École nationale d'administration (ENA, désormais Institut national du service public). Ce quadragénaire a récemment supervisé la réalisation d'un dossier transmis au FMI fin avril, afin de réhabiliter le bilan financier de celui qu'il considère comme son mentor.

Sur les questions internationales, Macky Sall peut compter sur son conseiller diplomatique de longue date, Oumar Demba Ba (ODB), alias "Diplo Ba". Depuis quelques mois, il consulte aussi Erwan Davoux, un ancien chargé de mission à l'Élysée passé par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). L'ancien président a fait sa connaissance peu avant son élection en 2010. Erwan Davoux, qui fut aussi conseiller de plusieurs hommes politiques de droite, dont Jean-François Copé, l'ancien patron de l'Union pour un mouvement populaire (UMP, devenu Les Républicains), et l'ex-premier ministre Jean-Pierre Raffarin, dirige également la société de conseil en intelligence économique LMD Conseil.

Dans le cadre de cette campagne sous les radars, parmi les principaux arguments avancés, figure le bilan de Macky Sall lors de sa présidence de l'Union africaine (UA) de 2022 à 2023, à l'époque unanimement salué par ses homologues du continent. C'est notamment lui qui avait obtenu l'intégration de l'organisation panafricaine au sein du G20. Il s'était particulièrement mobilisé dans le conflit russo-ukrainien vis-à-vis duquel il avait adopté une position de prudence à l'égard de la Russie. Ce qui avait plu à Moscou, membre du Conseil de sécurité de l'ONU et qui dispose d'un droit de regard dans la course à la succession d'António Guterres.

Africa Intelligence

Fana CiSSE

Samedi 31 Mai 2025 - 14:15


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