
L'accord, qui vise à assurer un destin durable à la biodiversité océanique, totalise 50 ratifications d’États. Lorsque les promesses de quinze pays à le faire bientôt, annoncées par Emmanuel Macron à l’ouverture de l’Unoc3, seront tenues, des aires marines protégées pourront alors être instaurées au milieu du « grand bleu ». Mais si le cadre est fixé, tout reste à construire à l’intérieur.
D’où vient ce traité ?
Le Traité sur la haute mer est d’abord un sobriquet. Il s’agit en réalité de « l’accord sur la conservation et l’utilisation durable des zones ne relevant pas de la juridiction nationale » (Biodiversity Beyond National Jurisdictions, ou BBNJ) vise à réguler l’utilisation des eaux internationales, qui commencent à 370 km des côtes d’un pays. Cette partie de l’océan qui n’appartient à personne - ou à tout le monde – couvre 50% de la planète. L’immensité de l’espace concerné donne donc à cet accord une première mesure de son importance, qui ne fera que grandir dans les décennies à venir. Espace d’une liberté quasi totale dans sa pratique et sa philosophie, où la tradition domine le droit maritime, il est devenu très fréquenté. Ses ressources sont surexploitées ou très convoitées pour les plus difficiles d'accès, comme les galets de métaux des fonds marins.
Traité assez technique, le BBNJ a végété en négociations pendant dix-sept ans avant d’être dépoussiéré à l’occasion du One Ocean Summit à Brest, en 2022. L’année suivante, il a été adopté à l’ONU en 2023 par consensus. Son adoption avait été qualifiée d’« historique » et reste vue comme une rare victoire du multilatéralisme en panne. Greenpeace Internationale le qualifiait alors de « traité le plus important » de l’histoire pour la préservation environnementale.
Le BBNJ doit atteindre le quota minimum de 60 ratifications pour pouvoir être effectif, et Paris en a fait l’un des enjeux de cette troisième Conférence sur l’océan, tandis qu’il stagnait jusqu’à ces dernières semaines à une vingtaine. Lundi, 18 nouveaux pays ont déposé leurs instruments de ratification, gonflant le nombre à 49 États membres, dont la Côte d'Ivoire, le Liberia, la Guinée-Bissau, le Danemark, la Belgique, la Croatie, la Grèce, plusieurs îles du Pacifique... « [...] Quinze pays se sont engagés à les rejoindre dans les semaines à venir », s’est félicité Emmanuel Macron dans son discours d’ouverture lundi matin, assurant que ce serait chose faite pour l’Assemblée générale de l’ONU en septembre. On comprend donc qu’elles ne seront pas rassemblées à la fin de l’Unoc, ce vendredi, comme s’y était engagé l’Élysée. Et malgré l’« accord politique » scellé par cette poignée d’États, des défections ne sont pas impossibles.
données, ou encore renforcement des systèmes juridiques pour que les preuves photographiques soient acceptées, telles sont quelques options complémentaires.
Mais à chaque fois, si le crime est constaté, c'est que le mal est déjà fait. Comment prévenir ? « Les patrouilles de navires ont effet dissuasif », atteste Klaudija Cremers, qui s’appuie sur des expériences menées dans l'une des deux AMP spéciales en haute mer, située en Antarctique. « Le traité BBNJ ne crée pas de police. Ce sera la responsabilité des États. La question de coalitions pour travailler ensemble est à l’étude. » Les marines militaires pourraient-elles se voir mises à contribution et mutualisées pour surveiller les activités dans ces zones ? En haute mer, les questions de défense et d’environnement sont souvent liées – les bateaux de pêche illicites dissimulant souvent d’autres trafics internationaux.
Enfin, le cahier des charges des AMP devra lui aussi être établi : quelles seront leurs bornes géographiques ? Faut-il avoir, comme le demandent des scientifiques, des aires « dynamiques », c’est-à-dire qui bougent en fonction de l’évolution de la ressource à préserver et des données scientifiques plus récentes ? Qu’a-t-on le droit de faire ou de ne pas faire à l’intérieur de ce périmètre, les intérêts des Etats côtiers voisins pouvant diverger ? Beaucoup reste à trancher.
Or, le BBNJ n’arrive pas en terrain vierge. Des instances s’occupent déjà d’une partie de la haute mer et tiennent à leur chasse-gardée : l’Autorité internationale des fonds marins, l’Organisation maritime internationale, qui régule la navigation des quelque 100 000 navires de fret dans le monde, les nombreuses organisations régionales de pêche, les États côtiers qui seront limitrophes des AMP…
« Il va falloir éviter les conflits de compétences et apprendre à gouverner ensemble, prévient Serge Ségura. La mise en place d’une AMP va demander des échanges très importants du secrétariat avec les autres organismes sectoriels. » « Le traité laisse une grande liberté d’interprétation et tout dépendra de la volonté politique des États, indique François Chartier. Sachant que ce seront les mêmes États qui siègeront dans les organisations sectorielles et à la COP BBNJ. »
Quant au partage des bénéfices liés aux ressources génétiques, ils pourront être non monétaires (accès à des banques d’ADN pour les scientifiques de pays en développement) ou monétaires si certaines ressources sont utilisées dans un but commercial. Ce qui nécessite de fixer une règle de calcul et augure quelques années de plus de négociations.
« C’est complexe, on ne peut pas promettre qu’il y aura des aires marines protégées dans un an », devine Klaudija Cremers.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Si les dernières ratifications sont enregistrées en septembre à l’occasion de l’Assemblée générale de l’ONU, le BBNJ entrera en vigueur début 2026, après le délai légal de 120 jours. Cela déclenchera ensuite la convocation, dans l’année qui suit, d’une COP Haute mer, qui réunira les États membres et sera l’organe décisionnel du traité.
Des commissions préparatoires se réunissent déjà à New York pour préparer le travail de la future COP : comment seront composés le secrétariat et le comité scientifique et technique pour qu’ils soient représentatifs du Nord et du Sud, avec quels moyens vont-ils fonctionner, etc… Deux pays sont candidats pour héberger le secrétariat général de l’organisation : le Chili, qui co-organisera l’Unoc4 en 2028, et la Belgique.
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